TERRA FORMARS T01
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(W) TACHIBANA/SASUGA
"Do you Speak martien?... *shruck*"
Remarqué l'année dernière sur l'Affaire Sugaya (paru aux éditions Delcourt), le dessinateur Kenichi Tachibana s'allie cette fois-ci au scénariste Yu Sasuga pour nous offrir Terra Formars, un seinen de science-fiction pour le moins très éloigné de sa précédente oeuvre.
Jugez vous-même: dans le futur, l'humanité qui n'a cessé de croître épuise dangereusement les ressources de la Terre au point de risquer l'extinction. Pour remédier à cela, un plan de sauvetage est mis en place: envoyer sur Mars l'unique être vivant capable d'endurer l'environnement de la planète rouge et de rendre celle-ci habitable: le cafard.
500 ans plus tard, en 2599, la terraformation de Mars est sur le point d'être bouclée, et les insectes qui y pullulent doivent désormais être exterminés. Succédant à une première équipe, celle du "Bugs 1", qui a mystérieusement disparu alors qu'elle était en mission d'extermination sur mars 20 ans auparavant, une deuxième équipe composée de 15 personnes est à son tour envoyée par l'U-Nasa sur Mars à bord du "Bugs 2" pour éliminer les insectes... Mais est-ce là leur vraie mission, ou leur cache-t-on des choses? Et comment ont-ils été sélectionnés?
A peine les 15 membres de l'équipe ont-ils débarqué sur la planète nouvellement terraformée qu'ils y découvrent d'étranges créatures très peu amicales. La théorie de l'évolution ne s'applique pas qu'à l'homme, et les habitants de Mars sont bien décidés à se venger de ceux qui les persécutaient autrefois et à éliminer tout intrus...
Une couverture aussi froide que brute, un synopsis aussi tiré par les cheveux qu'annonciateur d'action pas fine: voilà, le ton est déjà donné. Terra Formars offrira son lot de trucs dégueu"et de morts atroces aux amateurs de titres bourrins, qui ne devront d'ailleurs pas attendre longtemps avant de voir les premiers corps tomber. Et qu'on se le dise, ça ne s'arrêtera pas du volume, au point de régulièrement étonner et estomaquer le lecteur.
Etonner, car on n'a pas forcément l'habitude de voir des personnages présentés comme des héros et qui ont droit pour la plupart à un petit background (tout petit, mais quand même) se faire éparpiller sitôt les présentations finies.
Estomaquer, parce que les auteurs se font un plaisir de nous prendre au dépourvu en réduisant en morceaux leurs personnages à n'importe quel moment, parce que le découpage très brutal et la narration directe et sans détours accentuent ces effets de surprise, et parce que les"charmants"habitants de Mars ont des physiques pour le moins atypiques et marquants. Disons ridiculement effrayants, ce qui est accentué par un design fait par ordinateur, façon Gantz.
En fait, c'est exactement ça: Terra Formars devrait parler sans problème aux amateurs de Gantz, car on y retrouve une ambiance glauque et malsaine, des dessins denses et qui en imposent, un design informatisé des créatures plutôt flippant, de l'action sanglante et brute, des morts violentes et soudaines qui donnent l'impression que les auteurs pourraient achever n'importe lequel de leurs personnages n'importe quand, et des événements qui vont loin dans le WTF.
Justement, parlons-en, de ce WTF.
"Le polypedilum vanderplanki est un petit moucheron de la famille des chironomidés vivant en Afrique centrale. Cousin des moustiques, il ne se nourrit pas de sang et est totalement inoffensif. Sa larve a toutefois une capacité extraordinaire..."
Oui oui, vous êtes toujours dans Terra Formars. Mais pour vous aider, vous qui commencez à vous poser des questions sur cette étrange citation du tome 1, à comprendre un tant soit peu de quoi il en retourne, abordons un autre aspect de prime importance dans ce volume: un déroulement très... très haut perché.
Tout commence avec une question que l'on est amené à vite se poser: pourquoi ces 15 personnes en particulier, qui n'ont aucune compétence d'astronaute, ont-elle été sélectionnées, et que leur a-t-on fait subir pour qu'elles puissent accomplir leur mission? Les réponses arrivent vite, et elles annoncent bien la couleur quant à l'étrangeté du récit: simples miséreux hors-la-loi ramassés aux quatre coins du monde, les membres du"Bugs 2"se sont vus injecter des sérums leurs conférant les pouvoirs de différents insectes: ainsi, l'un est devenu quasiment immortel, tandis que l'autre possède un souffle capable de le propulser à une vitesse folle, ou qu'un autre encore peut manipuler les cafards... Voilà voilà. Ca a le mérite d'être inventif et, surtout, ça assume totalement son côté nawak jusqu'au bout, puisque chaque nouveau pouvoir dévoilé donne lieu à des explications 100% véridiques sur les insectes concernés. Ainsi a-t-on droit, au beau milieu du joli massacre qui a lieu, à de véritables puits d'informations sur les différents insectes qui ont inspiré les pouvoirs. En fait, Terra Formars est un documentaire sur les insectes camouflé sous un récit SF d'action bourrin et sanglant, et on sent bien toute la documentation des auteurs sur le sujet. Voici un mélange plutôt... étonnant, allons-nous dire. C'est rigolo et ça contribue à l'ambiance pour peu qu'on entre dans le trip, même si, bien souvent, les focus sur ces insectes ne servent pas à grand chose, puisque les personnages auxquels ils sont rattachés ont la fâcheuse tendance à finir en plusieurs morceaux à la case suivante (et quand je dis à la case suivante, je n'exagère pas).
Mais le WTF ne s'arrête pas là, et se poursuit dans le déroulement des choses, le lecteur découvrant, entre deux démembrements, quelques mystères amenés par des petits événements pour le moins très bizarres: les monstres qui se mettent à téléphoner par portable, des pyramides qui apparaissent au milieu de nulle part... Certaines réponses sont d'ores et déjà amenées, d'autres non, et ça a le mérite d'intriguer un tant soit peu quant à la suite de ce récit qui aime partir en vrille.
D'ailleurs, partir en vrille, voici une autre spécialité de ce premier volume. Que ce soit voulu ou non, pour le pire ou le meilleur.
Dans le registre voulu et assumé, on a notamment les tout petits flashbacks sur certains personnages qui arrivent à accumuler nombre de clichés rarement finauds, ou encore la capacité des"Martiens"à très vite évoluer et à dévoiler au fur et à mesure de nouvelles capacités qui n'augurent rien de bon pour les humains. Ils sont flippants, vous dit-on. Quant à nos"héros", leur capacité de transformation leur offre des physiques aussi nanardesques que sympathiques.
Dans une catégorie dont on ne sait pas vraiment si elle est totalement voulue ou non, restons sur les physiques des héros en signalant leur look qui ne colle pas toujours à leur nationalité. Ainsi croiserez-vous un chef américain de l'U-Nasa qui a une tête de tyran anarchiste russe, un thaïlandais à tête d'allemand, ou un israëlien à la dégaine de mercenaire d'Amérique du Sud. Et côté scénario, mieux vaut oublier de nombreux raccourcis qui donnent parfois des impressions d'incohérence: en effet, la narration passe parfois un peu trop du coq à l'âne, et certains éléments décontenancent car ils ont été mal préparés (par exemple, Victoria qui sort de nulle part alors qu'on ne l'avait pas vue une seule fois avant et que les autres ne se sont à aucun moment demandés où elle était passée).
Quand Gantz rencontre Starship Troopers. Avec ce premier volume, les auteurs nous offrent un récit étrange sur bien des points. Bancal et parfois maladroit, mais bourrin, dense, prenant si on se laisse happer par l'énorme trip. Vous n'avez jamais rien lu de tel, car Terra Formars est une expérience unique, qui vous instruira sur le criquet pèlerin entre deux têtes qui volent. Peut-être l'un des plus beaux WTF de ces dernières années, auquel on adhèrera ou pas.
Côté édition, c'est du tout bon: l'impression est de qualité, la traduction de Sylvain Chollet très vivante et claire.
Koiwai
(Critique de www.manga-news.com )"
Dernier exemplaire disponible
Date de sortie : 30/01/2013